dimanche 31 janvier 2010

La taxidermie des chouettes.

   Par deux fois, je me suis retrouvé empailleur de chouettes. Le temps d’un rêve, pour être plus précis et ne choquer personne. Mais quel rêve! Trois ans après, j’en garde un souvenir intact. J’y campais un ambitieux paysan reconverti en entrepreneur de talent, convaincu du pouvoir de la taxidermie. Vider et farcir de paille les plus belles chouettes qui surpeuplaient nos contrées pour redécorer les intérieurs, voilà le funeste dessein qui m’animait.

  Chacun trouvait son compte dans le travail que j’accomplissais, jusqu’au jour où le marché de la décoration fût saturé. Les invendus commencèrent à s’entasser au fond de mon jardin, sorte de cimetière par destination. L’entreprise artisanale devenue multinationale fît rapidement face à un déficit sans précédent, dévorant toute ambition personnelle et estime de soi. J’étais cuit, tout ce que je possédais se vendît aux enchères… Quelle déconfiture!

   Exilé quelques temps au fond d’un bois où il ne fait jamais jour, j’apprenais à relativiser mes échecs. Cet endroit, tout droit sorti d’un rêve, je le partageais avec les chouettes qui m’avaient échappé et les nombreuses lucioles des alentours. La lumière neuve et apaisante que ces dernières diffusaient faisait oublier la nécessité du Soleil, la flore semblait même l’avoir assimilée. 
   Le seul rappel à la civilisation fût la visite d’un vieux monsieur à capuche et cape dorées, avec un message pour le moins surprenant. Il venait m’annoncer que je pouvais reprendre mon activité raisonnablement, en la diversifiant…

   C’est ainsi que je me suis lancé dans la vente de chouettes empaillées aux couleurs et aux senteurs de ma forêt mystérieuse. 

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